• Le Roi et le Voleur, série bouddhique théravadine

     

     

    Le Roi et le Voleur, une série bouddhique théravadine.

     

     

     

    §0 Un texte du canon théravadin.

     

     

     

    Le Dīgha-nikāya (Dīgha = long, nikāya = recueil), ou collection des longs discours (du Bouddha), est un recueil de trente-quatre discours ou enseignements (sutta) faisant partie du Sutta-pitaka (Corbeille des enseignements) 

     

    Le Cakkavatti-Sihanāda-sutta (« Le roi qui met en marche la roue ») est le vingt-sixième de ces discours. 

     

    Ce recueil fait partie du canon pali du bouddhisme théravadin (« du sud »). 

     

     

     

    Référence :

     

    Dīgha-nikāya (recueil des 34 longs suttas). Le premier livre du Sutta-pitaka. Tome III

     

    Traduction Môhan Wijayaratna

     

    Editions LIS, Paris, 2008

     

     

     

    §1 Le récit.

     

     

     

    Le récit qui nous intéresse ici est, dans le sutta 26, un récit mythique de déchéance de l’humanité, faisant suite à un Âge de perfection auquel présidait la Roue précieuse.

     

     

     

    Après des « milliers de longues années », la Roue précieuse a bougé. Le roi l’apprenant devint renonçant, et laissa la royauté à son fils aîné.

     

    La Roue précieuse disparut. Le nouveau roi fut triste. Mais il ne demanda pas de conseils à son père, il gouverna « selon ses propres idées».

     

    La Roue n’est plus là, c’est la fin d’une sorte d’Age d’Or, le début d’un cycle historique de déchéance.

     

    Le Roi demanda des conseils à ses conseillers. « Les ayant écoutés, il organisa la sécurité et le bien-être de ses sujets. Mais il ne donna pas de richesse à ceux qui n’en avaient pas. Lorsqu’une richesse n’a pas été donnée aux gens démunis, la pauvreté fut augmentée. Lorsque la pauvreté fut augmentée, un homme prit avec l’intention de voler, quelque chose appartenant aux autres. »

     

    Le mal de troisième fonction, le vol, est entré dans le monde.

     

    Le voleur étant attrapé et amené devant le roi, il s’expliqua et le roi bienveillant lui « donna de la richesse » avec des bons conseils pour l’employer. Evidemment, ce comportement multiplia les vols et le roi finit par réagir, par la répression. Il fit couper la tête au voleur qu’on lui amena. Alors les gens se dirent qu’il convenait en effet de réagir au vol par la violence, ils s’armèrent, ils tuèrent les voleurs.

     

    Le mal de seconde fonction, la violence meurtrière, est entré dans le monde. Il ne s’arrête évidemment pas à la violence défensive et répressive. 

     

    « Ainsi, ils produisirent des armes tranchantes. Puis, ils saccagèrent des villages ; de même, ils saccagèrent des bourgades ; de même, ils saccagèrent des villes ; de même ils firent du banditisme de grand chemin ».

     

    C’est ici que se produisit la première dégradation vitale : « la durée de vie des enfants de ceux qui avaient une durée de vie de quatre-vingt mille ans s’abaissa à quarante mille ans. »

     

    Il advint ensuite qu’un voleur amené devant le roi et sachant la sanction à venir nia sa culpabilité. Le roi lui demanda s’il reconnaissait avoir volé. « En répondant il proféra un mensonge délibéré : " Non, Sire" ».

     

    Le mal de première fonction, le mensonge, est entré dans le monde. 

     

    « La durée de vie des enfants de ceux qui avaient une durée de vie de quarante mille ans s’abaissa à vingt mille ans. »

     

    Dans le dernier sketch du voleur et du roi, le voleur qui nie a contre lui un accusateur « un autre homme proféra une parole médisante devant le roi : "Cet homme, Sire, a pris, avec l’intention de voler, une chose appartenant aux autres "».

     

    Le mal de quatrième fonction (aryamanique), la médisance, est entré dans le monde. La médisance, c’est la communication comme attaque envers autrui (qui n’est pas forcément une calomnie).

     

    « Lorsque les paroles médisantes furent augmentées […] la durée de vie des enfants de ceux qui avaient une durée de vie de vingt mille ans s’abaissa à dix mille ans. »

     

    Le récit ne connaît plus d’épisode du roi et du voleur. Le dernier épisode semble avoir lâché la bonde à tous les péchés : « relations sexuelles illicites » « paroles rudes et paroles frivoles », « avidité et aversion ». « La durée de vie  s’abaissa à cent ans ».  

     

    On est arrivé visiblement dans notre déplorable monde présent. Cela ira de mal en pire.

     

    « Il y aura, ô bhikkus, une époque où ces êtres humains auront des enfants dont la durée de vie sera de dix ans. […] les filles de cinq ans seront aptes à se marier. Parmi les êtres humains qui ont une durée de vie de dix ans, les bonnes choses savoureuses telles que : beurre fondu, beurre, huile de sésame, miel et sel ne se trouveront plus [ …] le meilleur repas sera constitué de graine kudrūsa. » Le monde moral va déchoir comme le monde matériel. Les normes sexuelles disparaîtront, l’aversion et le mépris mutuels régneront. Finalement « il y aura une semaine dite "la période des armes", et pendant ces sept jours, chez les êtres se produira "la notion de daims". Les armes se trouveront dans les mains de chacun. Ainsi ils se tueront l’un l’autre en se disant "voici un daim", "voici un daim". »

     

    « Parmi ces gens-là, ô bhikkus, chez certains individus viendra cette réflexion : "Que nous ne tuions personne. Que personne ne nous tue. Que nous allions vivre dans un bosquet ou dans un bois ou dans une forêt ou dans une île entourée de rivières, ou dans une caverne d’un rocher dur, et là-bas vivons avec des racines et des fruits. " »

     

     Il y aura ainsi un reste de l’humanité. Ce reste progressera dans la voie de l’éthique bouddhique, sa durée de vie augmentera, etc, [1] et cela finira par un nouvel Age d’or. Alors « naîtra dans le monde un Bienheureux nommé Metteyya » ; soit en sanscrit Maitreya.

     

     

     

    §2 Une série quadrifonctionnelle.

     

     Il y a dans le récit de la déchéance de l’humanité quatre épisodes du roi et du voleur, qui forment série, et cette série est clairement quadrifonctionnelle

     

    F3 arrivée du vol

     

    F2 arrivée de la violence

     

    F1 arrivée du mensonge

     

    F4 arrivée de la médisance

     

    La médisance, qui encore est encore un péché non évidemment anti-social – après tout, il s’agit de dénoncer un délinquant - constitue le dernier terme parce qu’elle marque l’arrivée de la dernière des fonctions. Ensuite, c’est l’effondrement des normes, qui est une forme non ambiguë, elle, de quatrième fonction.

     

     

     

     

     

     

     



    [1]   Le processus est inversé. Mais il n’y a pas de sketch du type « le roi et le voleur », propice à une structuration fonctionnelle.

     

     


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