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    Nous proposons de ce blason une lecture quadrifonctionnelle:

    la crosse épiscopale F1

    le léopard   F2

    la ville   F3

    le soleil et la lune    F4

    Nous ne défendrons pas cette analyse au pied du bûcher.


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  • On pourrait également s'intéresser à la représentation de St Georges, si populaire dans la chrétienté orientale. Comme on le sait, il s'agit pour l'essentiel d'un saint militaire "fabuleux"[i], dont la légende, originaire de Cappadoce et imprégnée d'influences iraniennes, qui ont laissé des traces tout à fait explicites dans les textes, a tout d'un conte fantastique des Mille et une Nuits, selon l'expression, sans doute quelque peu méprisante, d'H. Delehaye[ii]. Il est nikēphoros, tropaiophoros "qui remporte la victoire". Pour les Russes, il est Pobêdonosets, le Victorieux. Il est monté sur un cheval blanc : cette couleur caractéristique est présente dès les premières versions de la légende : «Il apparut monté sur un cheval blanc[iii]» ;

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    fin du XIV s. ap. J._C. St Pétersbourg

     

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    début du XVe s. Galerie Tretyakov, Moscou

     

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    1ère moitié du XVe. Galerie Tretyakov , Moscou.

    L'iconographie de St Georges[iv], qui a fait l'objet d'un magnifique ouvrage de G. Didi-Huberman[v], dont le propos dépasse l'étude iconographique traditionnelle, va nous fournir une fois de plus les indices de "survivances[vi]" structurales très bien caractérisées. Les nombreuses représentations qui évoquent St Georges en cavalier, voire en chevalier, monté sur un cheval blanc - figure qui apparaît dès le Xème siècle dans les peintures rupestres de Cappadoce - armé d'une lance ou d'une épée, vêtu d'un manteau le plus souvent rouge, flottant derrière lui, sont très proches du Cavalier Fidèle et Vrai. Sa bannière est à croix de gueule sur champ d'argent, c'est à dire blanche à croix rouge.

    Les peintres d'icônes se sont plu à opposer la blancheur du cheval au rouge du fond, du harnachement, du manteau du cavalier[vii]. Sur une icône de Novgorod, du XVème siècle[viii], son bouclier rond porte un épisème solaire. Or bien des savants par le passé ont proposé de considérer St Georges comme l' "héritier" de héros mythologiques, comme Persée, ou de dieux "païens", Horus, et de façon bien plus convaincante, le "héros cavalier"[ix], ou bien encore Mithra[x], conçu comme un dieu solaire. Certes la démonstration d'A. Von Gutschmid porte la marque de son époque (le mémoire sur St Georges date de 1861) et Krumbacher, dès 1911, y voit «une vraie caricature de la méthode comparative»[xi]. Mais F. Cumont a repris le dossier, et a montré que la légende hagiographique reprenait bel et bien, à côté de légendes juives, des thèmes importants du culte mithriaque, y compris des éléments apocalyptiques. Nous pouvons à notre tour, grâce à l'analyse dumézilienne de la symbolique des couleurs, lire l'iconographie de St Georges comme un héritage des structures idéologico-religieuses indo-européennes et confirmer la "survivance" de Mithra dans le personnage du saint-chevalier, à la fois comme figure où se réalise un syncrétisme de traditions polythéistes et chrétiennes, et comme figure symbolique insérée dans l'histoire. En vérité, le blanc et le rouge de St Georges évoquent la première fonction mais aussi la deuxième : du reste, dans la religion des Ossètes, Saint Georges prend la place de Wastyrgi, lui-même équivalent de Vərəθragna-Indra, tueur de dragon[xii]. Son culte, certains aspects de sa légende, son nom lui-même, évoquent enfin la troisième fonction ; nous rejoignons pour une part l'analyse de G. Didi-Huberman, qui cependant ne s'appuie pas ici sur le symbolisme des couleurs : «Saint Georges serait donc (...) le saint des trois fonctions[xiii]». Sauf que... on oublie le dragon ! La quatrième fonction figure ici dans sa dimension négative, le monstre que le champion de l'ordre cosmique doit vaincre, selon un thème mythique fort ancien et fort répandu.

               A la suite des Croisades, St Georges va prendre une place importante dans la symbolique de la Chrétienté occidentale[xiv]. Voici, sinon le point de départ, du moins un repère essentiel de ce développement : après la prise d'Antioche (1098), St Georges, monté sur un cheval blanc comme les chevaliers qui le suivaient, avec des bannières blanches, était venu au secours des Croisés, dans un moment particulièrement difficile[xv].

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    Marzal de Sax, vers 1410; Londres, Victoria & Albert Museum.

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    Saint Georges; XIVe s.;  église San Zeno (Verone)

    En Occident, le saint Chevalier vient en quelque sorte doubler et finalement relayer, comme représentation idéale du paladin en lutte contre le démon, ou du roi-chevalier en lutte contre l'infidèle, les cavaliers blancs de l'Apocalypse. Les chevaliers de l'Ordre du Temple seront vêtus d'une cotte blanche marquée de la croix rouge[xvi].

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    Paolo Uccello, vers 1455, Londres, National Gallery.

    [i]  P.M. Huber, Die Georgslegende, Erlangen, 1906. J.G. Frazer, The Golden Bough, II, London, 19253, p. 330-347.

    [ii]  H. Delehaye, Les légendes grecques des Saints militaires, Paris, 1909, p. 69.

    [iii]  Miracle de Théopistos, cité par F. Cumont, "La plus ancienne légende de St Georges", RHR, 1936, p. 5-51 ; p. 16, note 2.

    [iv]  L. Réau, Iconographie de l'art chrétien, III - 2, Paris, 1958, p. 571 et sq.

    [v]  G. Didi-Hubeman, R. Garbetta, M. Morgaine, Saint Georges et le Dragon, Paris, 1994, avec une importante bibliographie.

    [vi]  Le concept de "survivances" est de nos jours très attaqué pour son caractère anhistorique. Il nous paraît nécessaire de procéder à une remise en question de ce concept d'un point de vue structural, sans renoncer à considérer les faits concernés. Ceux-ci avaient été étudiés au début du siècle dans un esprit polémique qui n'est plus de mise ; mais un ouvrage comme celui de P. Saintyves, Les Saints successeurs des Dieux, Paris, 1907, reste utile à consulter. Plus récent, celui de A. Neyton, Les clefs païennes de Christianisme, Paris, 1979, tente d'adapter le propos de l'historien aux changements intervenus dans l'Eglise.

    [vii]  V.N. Lazarev, Novgorodians icon-painting, Moscou, 1976, p. 31. Cf. fig. 41.

    [viii]  V.N. Lazarev, ibidem. Cf. fig. 42. G. Didi-Hubeman, et alii, op. cit., p. 70.

    [ix]  Ch. Picard, "Nouvelles observations sur diverses représentations du Héros Cavalier des Balkans", RHR, 150, p. 3-26.

    [x]  A. Von Gutschmid, "Ueber die Sage vom h. Georg als Beitrag zur iranischen Mythengeschichte", Kl. Schriften, III, Leipzig, 1889 - 1894, p. 173-204. F. Cumont, art. cit. Cf. G.R. Tsetskhladze, “The Cult of Mithra in Ancient Colchis”, RHR, 209, 1992, p. 115-124, en particulier p. 124.

    [xi]  Cité par F. Cumont, art. cit., p. 5.

    [xii]     A. Ivancik, “Les guerriers-chiens : loups-garous et invasions scythes en Asie Mineure”, RHR 210, 1983, 305 - 329; cf. p. 317.

    [xiii]  G. Didi-Hubeman, et alii, op. cit., p.114.

    [xiv]  P. Deschamps, La légende de St Georges et les combats des Croisés dans les peintures murales du Moyen-Age, Mon. Piot, 1950. G. Didi-Hubeman, et alii, op. cit., p. 56.

    [xv]  Voir Gesta francorum, IX, 29, p. 150-158.

    [xvi]            A. Demurger, Vie et mort de l’ordre du Temple, Paris, 1985, p. 64.


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